«À la suite de tant d’artistes qui, depuis la préhistoire, se sont acharnés de génération en génération à contraindre les formes naturelles, à réduire leur exubérance, à les ramener à la rectitude d’un ordre cosmique idéal, Dani Karavan inscrit dans le paysage les signes de l’homme, c’est-à-dire ceux, à la fois, de la raison et du sacré.
Ainsi vient-il d’ériger à Cergy-Pontoise, en plein cœur du décor baroque planté par Bofill, une tour austère, semblable à celles que dressaient au XIIIe siècle les patriciens des cités lombardes. L’ombre de cet édifice décrit sur le sol l’orbe changeante du temps solaire. Un axe immense prend ici son départ. Tranchant les architectures, il se projette par-delà ces vallons, ces collines, ces étendues aquatiques que, dans sa progression, l’œuvre majestueuse entend remodeler. »
«Il est heureux que, de nos jours en France, on ait senti la nécessité de faire une place à la sculpture monumentale au sein de ces villes naissantes, créées de toute pièce par l’effet d’une nouvelle disposition du peuplement. Les sculpteurs, et les plus grands, sont requis de marquer d’un signe le paysage urbain qui se construit, et ainsi de l’ennoblir. (…) La fonction de ces formes qui s’incorporent aux monuments ou s’établissent sur les places est de manifester, par l’accent de majesté qu’elles imposent, que, dans ces agglomérations de demeures, tout ne tourne pas autour du supermarché, du parking ou de la station de RER, mais qu’il s’agit bien ici d’une cité, c’est-à-dire d’un lieu où il fait bon vivre, flâner, méditer, se réjouir, et que le privilège du citadin fut, tout au long de l’histoire, d’accéder, par les prestiges de l’art public, au niveau supérieur de ce que nous appelons la culture. »
Georges Duby, historien, professeur au Collège de France, membre de l’Académie française (1919-1996)